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Quel bilan peut-on tirer de la COP 27 par rapport aux défis et enjeux de la guerre Russo-ukrainienne?

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Article écrit par : Amivi Aboueno Viviane ABASSA.

La Conférence des Parties (COP) a été instituée lors de l’adoption de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) à Rio de Janeiro en 1992 notamment au « sommet de la Terre ». Elle représente l’organe suprême de cette convention, se réunit chaque année dans différents Etats et rassemble les représentants des Etats signataires, ainsi que les acteurs de la société civile (ONG, Collectivités Territoriales, syndicats, entreprises).  De son histoire, nous retiendrons que la plus marquante fut celle du 12 Décembre 2015, COP 21, organisée à Paris, du fait que c’est le premier accord international sur le climat à caractère universel, engageant la lutte contre le réchauffement climatique. La 27 ème édition de la COP s’est donc officiellement tenue du 06 Novembre au 18 Novembre 2022 à Charm el-Cheikh en Egypte et a eu pour thématique la protection de la Biodiversité par ricochet à la protection de l’Accord de Paris sur le climat. Par ailleurs cette dernière réunion a eu comme un effet de « sans précédant » à cause du conflit Russo-ukrainien qui n’est pas resté sans conséquence à l’échiquier mondial.

Les origines du conflit remontent à Novembre 2013, mais ont des racines plus profondes et ce depuis la chute de l’ex URSS en 1991. En effet, de l’indépendance de l’Ukraine proclamé en 1991, passant par l’élection de la discorde de Novembre 2004 marqué par la révolution orange, et la promesse bafouée de l’OTAN (principal pilier de la sécurité et de la défense collective en Europe) de ne pas intégrer de pays d’Europe Centrale et Orientale, c’en était de trop, les prémices d’une guerre future se dessinaient déjà.

Pour Le Président russe Vladmir Poutine, l’alliance atlantique et son élargissement progressif ont toujours été perçu comme une menace pour la Russie. Lors d’une interview en 2005, il menaçait déjà « je ne vois pas comment un élargissement de l’OTAN à nos voisins baltes peut améliorer la sécurité du monde (…) s’il devait y avoir une présence militaire de l’OTAN en Ukraine, je n’y maintiendrais plus nos technologies de pointe (…). L’Ukraine pourrait alors avoir des problèmes, je le dis franchement », avait-il déclaré au journaliste français Christian Malard.

Ainsi huit années après l’annexion de la Crimée par la Russie, et le début du conflit armé contre les pro-russes à l’est dans le Donbass, l’Ukraine est la cible d’une guerre déclenchée le 24 Février 2022 par la Russie. Si ce conflit n’a épargné aucune partie du monde et s’est maintenu jusqu’aux sorties de la COP 27, à laquelle la Russie et l’Ukraine ont participé,  quel bilan pouvons-nous tirer de cette conférence?

Dresser un bilan vu l’état des choses, nous permettra de prendre du recul tout en analysant l’avancée ou non de ce rassemblement annuel sur le climat, afin de pouvoir mesurer les actions concrètes qui ont été posé jusqu’ ici. Il s’agira également de réévaluer la part des Etats comme l’Ukraine, généralement considéré comme pauvre selon des critères prédéfinis, dans l’équilibre mondial.

 

 

I-  LA GUERRE : CONFLIT DECLENCHEUR VERS UNE ENERGIE PLUS DURABLE ?

Avant d’en venir au bilan tiré de la COP 27 de Novembre dernier, il est important de brasser l’état des lieux du conflit Russo ukrainien aux portes de la Conférence.En effet l’endurcissement de l’action russe contre l’Ukraine n’a pas laissé le reste du monde de marbre. Sur le plan socio-économique et environnemental, cette guerre a conduit à de nombreuses conséquences, tant pour les deux principaux Etats concernés que pour le reste du monde.

En premier lieu c’est d’abord l’Ukraine qui subit cette agression russe et elle continuera longtemps à en payer le prix. La Russie quant à elle s’est vue assené des sanctions à une échelle rarement vue par le passé, notamment par l’UE et ses Etats membres, les Etats Unis, l’Allemagne, le Japon, le Canada (…). Celle qui sort le plus du lot porte sur les restrictions des importations européennes en provenance de la Russie.

Ainsi, bien que la Russie et l’Ukraine aient un poids relativement modeste en termes de production, ce sont de gros producteurs et exportateurs de produits alimentaires, de minerais et de produits énergétiques essentiels. La guerre a déjà provoqué des chocs économiques et financiers d’une ampleur considérable, en particulier sur les marchés de matières premières, où les prix du pétrole, du gaz et du blé ont grimpé en flèche. Les variations des prix des matières premières et les fluctuations des marchés financiers observées depuis l’éclatement de la guerre pourraient se traduire, si elles s’inscrivaient dans la durée, par une réduction de la croissance du PIB mondial de plus de 1 point de pourcentage la première année, accompagnée d’une grave récession en Russie, et par une hausse de l’inflation mondiale mesurée par les prix à la consommation de 2 points de pourcentage environ.

Selon le professeur Serguei Gouriev, chef économiste de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, « l’économie russe souffre aussi sérieusement de la guerre (…) Les sanctions appliquées par l’Occident ont été plus fortes que le Kremlin ne l’avait prévu, et en ajoutant les boycotts du secteur privé, l’économie russe est à bout de souffle, la Russie risque d’entrer dans sa pire récession depuis les années 1990, avec une baisse probable du PIB de 10 à 11%… ».

 Sur le plan environnemental, la guerre a bouleversé la transition écologique et énergétique, comme tenu des choix à faire en matière de souveraineté énergétique et alimentaire et face à la diminution potentielle du pouvoir d’achat. En effet, pour la France par exemple, la hausse des prix des énergies a conduit plusieurs Gouvernements à mettre en place « une remise carburant » pour les particuliers et les professionnels, ainsi qu’une subvention pour les entreprises dont les dépenses en gaz, électricité ou céréales représentent une part élevée des charges. Ceci a soulevé la question de remplacer le gaz russe par d’autres sources, principalement le GNL (Gaz Naturel Liquéfié). Le risque environnemental d’un recours plus massif au GNL en provenance des Etats-Unis, issus de gaz schiste, ou d’un recours accru au charbon est donc à souligner. Cette situation amplifie l’importance et l’urgence de la réflexion sur les moyens d’accélérer la transition énergétique en s’appuyant sur les énergies renouvelables, dans les 15 prochaines années, et en veillant surtout à leur acceptabilité. Cela montre aussi la nécessité de poursuivre et de renforcer les efforts des recherches en matière d’Energies Renouvelables. Au final tout l’enjeu consistera à trouver des solutions tout en évitant de remplacer une dépendance nocive à l’environnement par une autre, et surtout à ne jamais renoncer à l’ambition de la décarbonisation.

À court terme, de nombreux gouvernements vont devoir amortir l’impact du renchérissement de l’énergie, diversifier leurs sources d’énergie et réaliser des gains d’efficacité énergétique dans la mesure du possible.

Si la guerre a donc souligné l’importance de réduire au minimum la dépendance à l’égard de la Russie pour certaines importations essentielles, quelles sont les résolutions que la COP 27 a permis de retenir et de mettre en œuvre ?

 

II-LA COP 27 : UN BILAN EN DEMI-TEINTE DU A LA GUERRE RUSSO-    UKRAINIENNE

Selon sa présidence, la COP 27 devrait consister à sortir des négociations et à « planifier la mise en œuvre » de toutes ses promesses. Mais comme à l’accoutumer depuis maintenant 7ans, force est de constater que les avis restent toujours mitigés aux sorties de la Conférence des Parties. Par ailleurs la guerre en Ukraine pour ne rien arrangé, va ainsi accentuer la difficulté à la réalisation des engagements pris par les Etats.

Selon Ilana Seed, Représentante permanente des Palaos auprès des Nations Unies et négociatrice sur le climat « la guerre en Ukraine a eu lieu, donc il y a tellement de choses sur lesquelles tant de pays ce sont mis d’accord, et maintenant ils ne peuvent plus le faire. A cause de la guerre le paysage a changé ». Des pays comme l’Allemagne ont dû réduire leurs objectifs climatiques à court terme, tandis que le groupe de travail historique Chine-Etats-Unis sur le climat annoncé l’année précédente à la COP 26 a été suspendu.

Si pour certains la COP 27 représente une grande victoire, elle est également une source de profonde déception pour d’autres et ce pour plusieurs raisons.

Pour l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) “La crise mondiale de l’énergie déclenchée par l’invasion russe de l’Ukraine cause des changements profonds et à long terme qui ont le potentiel d’accélérer la transition vers un système énergétique plus durable et sûr.” Dans son rapport publié le 27 octobre 2022, l’Agence internationale de l’Énergie (AIE) explique que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a provoqué une “réorientation profonde” des marchés mondiaux de l’énergie.

Cette réorientation se caractérise par le fait qu’alors que certains pays cherchent à augmenter ou diversifier leur approvisionnement en pétrole ou en gaz, beaucoup étudient une accélération de leurs changement structurels vers des énergies propres.

Dans son rapport, l’AIE estime que les émissions mondiales de gaz à effet de serre liées à l’énergie devraient atteindre un point haut dès 2025. Est-ce que cela signifie que la transition écologique est sur la bonne voie ? Thierry Bros, professeur à Science Po Paris et spécialiste des questions énergétiques, est dubitatif. Il invite à s’orienter vers des données plus concrètes. “Est-ce qu’on a baissé nos émissions de CO2 en 2022 par rapport à 2021 ? La réponse est non”, analyse-t-il. “On a réouvert les centrales à charbon et on a remplacé le gaz russe par du GNL (Ndlr : gaz naturel liquéfié) américain et une destruction de la demande”, observe-t-il

Le professeur souligne également que le rapport de l’AIE se base sur des projections et des scénarios possibles. En réalité, les choses peuvent se passer différemment. “Dans le modèle, on peut mettre ce que l’on veut, estime Thierry Bros. La réalité, c’est que les émissions de gaz à effets de serre vont continuer à augmenter alors que ça devrait baisser.” Selon Thierry Bros, “les émissions de CO2 vont augmenter en Europe et pas qu’un peu.

Le rapport constate tout de même que les hydrocarbures russes sont laissés de côté, en raison du conflit avec l’Ukraine. La “rupture” de l’Europe avec le gaz russe est arrivée avec une vitesse “que peu de personnes pensaient possible” encore en 2021, ajoute l’AIE. Et la Russie “ne parvient pas” à rediriger vers d’autres pays ses flux de gaz qui allaient auparavant vers l’Europe. Cependant, cela ne signifie pas que l’on est en mesure de se passer de pétrole.

Les marchés de l’énergie et les politiques publiques ont changé depuis l’invasion russe de l’Ukraine, pas seulement pour le temps présent, mais pour des décennies à venir”, constate le directeur général de l’AIE, Fatih Birol. Lorsque la guerre entre la Russie et l’Ukraine s’achèvera, les choses redeviendront-elles comme avant ? Dans tous les scénarios étudiés par l’Agence, les niveaux d’exportation de gaz et de pétrole russe ne reviennent pas au niveau où ils étaient avant 2021.

Par ailleurs, à l’issu de la dernière journée de la Conférence, l’Organisation des Nations Unies pour le climat a annoncé qu’un accord avait été trouvé entre les États membres.

Cet accord annonce notamment la création d’un fonds pour compenser les pertes et dommages liés au réchauffement climatique et destinés aux “pays vulnérables”. C’est en cela que certains voient de ce rassemblement une avancée sans précédent.

Espérons-le, sans perdre de vue que dans les pays pauvres, la transition énergétique ce n’est pas moins consommer, mais pour un milliard de personne, accéder tout simplement à l’électricité.

Or si les investissements dans le renouvelable ont grimpé de 9% en un an au niveau mondial, en Afrique, ils ont chuté de 35%, en dépit “des ressources naturelles exceptionnelles de l’Afrique, de la demande en croissance rapide en électricité et de l’amélioration du cadre politique”, note le cabinet d’expertise Bloomberg NEF qui a publié cette étude en 2022.

La guerre en Ukraine n’a rien changé à ces inégalités de fond, et sur d’autre plans, notamment alimentaire, elle les a au contraire accentuées.

 

 

CONCLUSION

Aux sorties de la COP 27 le 19 Novembre 2022, la guerre entre la Russie et l’Ukraine bat toujours son plein et ce jusqu’à présent. Les pertes en vie humaines de part et d’autre sont considérables tous les jours au grand dam des Hauts institutions aux droits humains. Les institutions sont fragilisées et l’économie mondiale en berne. La guerre menée par la Russie contre l’Ukraine vient confirmer cependant la fragilité fortement apparente de la COP 27 et de ses engagements. Elle confirme également l’urgence d’indépendance énergétique de nombreux marchés publiques européens et du monde. Par ailleurs, elle confirme aussi l’espoir quand bien même faible, de l’adoption à long terme de solutions plus fiables pour l’environnement.

Cette guerre a eu des conséquences économiques plus graves pour les pays pauvres dont les Etats du continent africain. En effet alors qu’elle n’a qu’un apport complètement insignifiant d’émission de Gaz à Effet de Serre (moins de 4%), le continent africain se retrouve au premier rang des continents à même de subir des dégâts colossaux si rien n’est envisagé concrètement à l’horizon 2050. Différentes raisons expliquent cela à savoir, la faible capacitée d’adaptation, une forte dépendance aux biens des écosystèmes pour les moyens de subsistance, et des systèmes de production agricole moins développés.

Selon le rapport annuel sur l’état du climat 2019, la dégradation et l’érosion des cotes sont des défis majeurs, en particuliers pour les Etats de l’Afrique de l’Ouest. Environ 56% des cotes du Benin, de la Cote d’Ivoire, du Sénégal, et du Togo sont touchés par l’érosion et le phénomène s’accentue avec les années. Au Sahel par exemple, l’agriculture demeure l’activité dominante mais est confrontée à une récurrence de sécheresse et à une variabilité accrue des pluies internes. Sékou Sangaré, Commissaire de la CEDEAO en charge de l’Agriculture, de l’environnement et des ressources en eau, a affirmé à cet effet : « (…) c’est important que nous nous réveillions car notre environnement est en train d’être détruit (…) » C’est également pour toutes ces raisons que le continent africain doit être écouté. Le Secrétaire des Nations Unies, Antonio Guterres lors d’une interview à TV5 Monde a déclaré : « une chose est sure, il faut soutenir financièrement les pays africains pour augmenter leur résilience et leurs capacités de résistance face aux effets néfastes du climat. Ce n’est pas une question de générosité, mais de justice et d’intérêt mutuel »Pour les mois à venir, il faudra pour ces types d’Etats classés ‘pauvres ou vulnérables’, la matérialisation de la création du fonds « dommage et perte » : il devra ainsi s’agir de déterminer l’ensemble des pays jugés vulnérables ou pauvres, les pays qui polluent le plus, ceux qui devront payer et ceux à qui les fonds devront être reversés; aussi la matérialisation d’un suivi avéré de ce financement au sein respectivement de ces Etats afin de mettre en œuvre l’atténuation et de facilité l’adaptation aux effets du changement climatique. Il faudra surtout pour le reste du monde, se surpasser en trouvant un terrain d’entente juste entre la Russie et l’Ukraine pour mettre fin la guerre.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

  • Sources écrites

 

  1. La Russie : entre peurs et défis

Livre de Jean Radvanyi et Marlene Laruelle (date de parution : 24/02/2016)

  1. L’Ukraine dans le sang

Livre de Gallagher Fenwick (date de parution : 2022)

  1. L’Ukraine : de l’indépendance à la guerre

Livre de Alexandre Goujon (date de parution : 18/11/2021)

  1. Le Grand Livre du Climat

Livre de Greta Thunberg (date de parution : 25/10/2022)

  1. Impasses Climatiques : les contradictions du discours alarmiste sur le climat

Livre de François Gervais (date de parution : Juin 2022)

  1. Climat : comment éviter un désastre, les solutions actuelles, les innovations nécessaires

Livre de Bill Gates (date de parution : 16/02/2021)

 

  • Sources internet

 

https://information.tv5monde.com/info/bilan-de-la-cop27-charm-el-cheikh-une-grande-victoire-et-une-profonde-deception-479185

https://information.tv5monde.com/info/cop-27-la-guerre-en-ukraine-t-elle-favorise-la-transition-ecologique-476432

https://www.cairn.info/revue-perspectives-economiques-de-l-ocde-2022-Suppl%C3%A9ment%202-page-3.htm?contenu=resume

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-bulle-economique/cop-27-la-transition-climatique-en-temps-de-guerre-en-ukraine-6283613

https://www.lecese.fr/actualites/guerre-en-ukraine-le-cese-presente-sa-note-dalerte-sur-les-consequences-pour-la-france

https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/eu-response-ukraine-invasion/impact-of-russia-s-invasion-of-ukraine-on-the-markets-eu-response/

 

 

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